• L'art du Suruga Sensuji

    L'art du Suruga Sensuji


    Comment les japonais de Shizuoka magnifient le bambou dans leur artisanat


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    L'art du Suruga Sensuji

    Comment les japonais de Shizuoka magnifient le bambou dans leur artisanat


Le bambou dans l'artisanat japonais

Le bambou dans l'artisanat japonais

Le bambou a été utilisé par l'homme très tôt dans son histoire. Très solide, il s'avère résistant même dans les conditions les plus extrêmes. Au Japon, son exploitation fut majeure dans de nombreux domaines tels que la construction, la cuisine, ou encore dans la vannerie. On a aussi rapidement envisagé de l'utiliser dans l'alimentation et comme médicament.
Cette omniprésence amena rapidement les artistes à envisager son usage comme base à leurs créations.

Au Sud, sur l'île de Kyushu, la région de Oita a ainsi utilisé le bambou pour fabriquer différents ustensiles dès le XIVè siècle. C'est surtout durant la période Edo, alors que les onsen de Beppu devenaient à la mode, que cet artisanat prit son essort du fait de la demande des visiteurs de paniers pour transporter leurs affaires.
La technique de cette région se caractérise par l'usage de larges bandes entrecroisées et les paniers et vases de la région d'Oita sont encore réputés aujourd'hui.
En réalité plusieurs régions du Japon ont développé un art particulier de la vannerie, y apportant chacune sa spécificité. Ainsi, presqu'à l'autre bout du Japon, dans la région du Tohoku, d'autres artisanats similaires se sont développés sous différentes appelations, telle par exemple que l'"Okuaizu" dans la région de Fukushima connu pour l'usage de bambous colorés. Près de l'île de Chikoku, l'art du bambou "Katsuyama", lui, se propose de travailler la plante sans la faire bouillir préalablement, permettant de garder des teintes vertes dans les produits réalisés.

Mais la région qui nous intéresse aujourd'hui est celle "Suruga", aux alentours de Shizuoka, en raison d'un artisanat du bambou vraiment très particulier, né au XVIIè siècle et toujours actif aujourd'hui.


Le principe du Suruga sensuji

Le principe du Suruga sensuji

Du fait de son climat approprié, c'est la région de Shizuoka, non loin du mont Fuji, qui devint le berceau de techniques artisanales uniques dans l'exploitation du bambou. On nomme ce procédé "Suruga Takesensujizaiku", parfois réduit sous le terme "Suruga Sensuji". On pourrait traduire rapidement ce terme par "travail de milliers de bandelettes de bambou".
L'origine de ce terme provient du fait que les brins utilisés dans cet art font 0.8 mm de diamètre et qu'en conséquence, on peut placer 1000 brins côte à côte sur la largeur d'un tatami (90 cm).

Cette appellation résume donc assez bien cet artisanat si particulier.
Il s'agit en effet de créer des objets en associant de nombreuses bandes fines de bambou, soit par alignement, soit en les entremêlant, pour donner des résultats particulièrement esthétiques.
Au contraire des autres régions où le bambou est la plupart du temps exploité sous forme de lamelles, le Suruga sensuji, lui, va préférer réduire le bambou à une forme de brin pour gagner en finesse sur l'objet à réaliser.
Les objets ainsi fabriqués peuvent aller du vase ou de la lampe jusqu'au sac à mains ou même des clochettes décoratives. Les cages à criquets, fabriquées selon ce procédé, sont parait-il également très appréciées.

On estime les origines de cet art aux alentours de -300 avant JC. Mais c'est au début du XVIIè siècle que cet artisanat se développa réellement, suite à l'installation du shogun Tokugawa Ieyasu dans la région. Les premiers objets présentés hors Japon le furent lors de l'Exposition Universelle de Vienne en 1873.
On recense encore actuellement 14 artisans spécialisés dans cette technique, lesquels maintiennent cet art traditionnel tout en cherchant à explorer de nouvelles voies dans l'utilisation de ces lamelles de bambou.


obtenir les "milliers de brin"

obtenir les "milliers de brin"
Pour travailler le bambou, la première étape va consister à couper le pied en tranches d'une longueur prédéfinie, puis à bouillir ces morceaux afin d'en retirer l'huile. Enfin, ils seront séchés naturellement au soleil.

Ensuite, on coupe les morceaux de bambou en bandes d'environ 1 cm de large avec une petite hachette et on en nettoie la surface de toute impureté ou défaut qui pourrait apparaître par un léger ponçage. L'artisan utilisera ensuite sa hachette, puis un couteau spécial lorsque cela sera trop fin, pour diviser la bande en plus petites sections.

Ces fines bandelettes sont ensuite trempées dans l'eau pour gagner en souplesse avant d'être passer dans des filières de plus en plus fines, afin d'obtenir ces fameux brins d'à peine 0.8 mm de diamètre.

le souci du détail

le souci du détail
Afin de joindre ces différents brins selon l'usage final qu'on souhaite en avoir, l'artisan devra leur adjoindre une base, faite également en bambou, mais plus épaisse. La plupart du temps, il s'agira d'une bande plus épaisse qui sera cerclée pour proposer un socle rond sur lequel on pourra réaliser la forme souhaitée.

Pour réaliser ce cerclage, l'artisan utilisera un cylindre en fer qui sera chauffé et sur lequel il viendra placer la bande de bambou. Selon la surface qu'on souhaite réaliser, le diamètre du cylindre pourra varier de 2 à 15 cm. En alternant avec patience et soin des phases de trempage dans l'eau froide et le cerclage de la bande autour du cylindre de fer, il parviendra à donner à la bande la forme ronde souhaitée.

Mais voilà, si cette bande se trouve ensuite simplement collée sur elle-même à la perpendiculaire, on obtiendra une marque particulièrement visible de la jonction. Dans l'esthétique japonaise, laisser une telle imperfection visible serait presque un sacrilège.
C'est là que tout le génie des artisans de Shizuoka intervient: afin de rendre cette jonction la plus discrète possible, ceux-ci vont couper la bande en biais de manière à ce que le collage se face presque en tangente, sur une très grande longeur.

Le résultat final est à la hauteur des attentes. Les brins offrant un sentiment de légèreté, les objets en Suruga sensuji possèdent au final une esthétique qu'on ne retrouve pas dans les autres techniques de travail du bambou.

Le suruga sensuji chez Konjaku


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